La mort d’Arsène Tchakarian, le dernier survivant de « l’affiche rouge »

Le 4 août 2018, Arsène Tchakarian est décédé à l’âge de 101 ans à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif. Il était le dernier survivant du groupe Missak Manouchian. « Jusqu’à la fin de sa très longue vie, il n’aura cessé d’apporter à ce sujet son témoignage personnel, intervenant dans les établissements scolaires – où il a tenu des centaines de réunions depuis le milieu des années 1960 –, les institutions civiles et militaires, les émissions de télévision et de radio et bien sûr les commémorations annuelles ».

« Né en Turquie en 1916 en plein génocide arménien, Arsène Tchakarian arrive dans la capitale française 14 ans plus tard ». « Jeune apprenti tailleur, il croise rapidement le fer avec les ligues d’extrême droite qui tentent de prendre d’assaut l’Assemblée nationale en 1934. Deux ans plus tard, sa conscience communiste s’aiguise encore avec les grèves du Front Populaire et les premières grandes luttes de salariés. « Mon patron m’avait promis 5 francs par semaine mais, même ça, il ne me le donnait pas », disait celui qui revendiquait une fidélité éternelle à la « classe ouvrière ».

« Quand la guerre éclate en 1939, Arsène Tchakarian n’est pas encore français mais il est envoyé sur le front d’un conflit qui tourne court. De retour à Paris, c’est le choc. « Il y avait des Allemands partout, le drapeau nazi sur la Tour Eiffel », racontait-il. Il compte alors parmi ses amis un certain Missak Manouchian, journaliste dont il partage les origines arméniennes et l’engagement communiste. C’est lui qui lui fournit les premiers tracts anti-nazis en 1942, prémices d’un mouvement de résistance, regardé avec méfiance par les gaullistes. « Ils hésitaient à nous fournir des armes. L’URSS faisait peur et on était des bolcheviques pour eux », assurait-il. »


Arsène Tchakarian
                                                                           Arsène Tchakarian

Il devient membre du groupe Manouchian. « Arsène Tchakarian, sous le nom de code « Charles » et ses compagnons multiplient les faits d’armes contre l’occupant nazi: déraillements, sabotages, assassinats. Le 28 septembre 1943, ils abattent, près de son domicile à Paris, le général SS Julius Ritter, responsable du Service du travail obligatoire (STO). En quelques mois, le groupe Manouchian, qui comptera au total une centaine d’hommes et de femmes, aura ainsi réalisé près de 115 actions coup de poing à Paris et dans sa région. « La France c’était le pays des libertés, mais on se battait aussi par anti-fascisme », expliquait M. Tchakarian. » « En février 1944, 22 membres du groupe seront exécutés par les Allemands, au Mont-Valérien. Caché à Paris grâce à un policier, Arsène Tchakarian est exfiltré vers Bordeaux où il continuera à combattre jusqu’à la défaite de l’occupant.

Arsène Tchakarian

« Après la Libération, l’ancien résistant s’installe dans un pavillon de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), transformé par ses soins en centre d’archives ». Il « militait pour la reconnaissance du génocide arménien. Décoré après-guerre, ce père de six enfants a toutefois dû attendre jusqu’en 1958 avant d’obtenir la nationalité française. Il est titulaire de la Légion d’honneur depuis 2012. » n’a eu de cesse d’agir pour la reconnaissance du génocide et les droits du peuple arménien. Modeste et humble, c’est pourtant un grand homme qui nous quitte aujourd’hui que le Parti communiste est fier d’avoir compté dans ses rangs », a réagiPierre Laurent, secrétaire national du PCF.Il a aussi réuni par écrit ses souvenirs dans plusieurs livres : d’abord Les Francs-Tireurs de l’Affiche rouge (Ed. sociales, 1986), puis Les Fusillés du Mont-Valérien (Ed. Comité national du souvenir des fusillés du Mont-Valérien, 1991) et enfin, avec Hélène Kosséian, Les Commandos de l’Affiche rouge (Ed. du Rocher, 2012). De manière significative, ce dernier ouvrage a pour sous-titre La Vérité historique sur la première section de l’Armée secrète. Son dixième chapitre revient en effet sur la polémique suscitée en 1985 par la sortie du documentaire Des terroristes à la retraite, de Mosco Boucault. Arsène Tchakarian rejette la thèse de ce documentaire selon laquelle le groupe Manouchian aurait été « lâché », voire « sacrifié » par la direction clandestine du Parti communiste ».

« Des « terroristes » à la retraite » est un documentaire célèbre et bouleversant de Mosco Boucault (1983). Des « survivants du groupe Manouchian, résistants communistes étrangers, Juifs pour la plupart, racontent l’itinéraire qui les a conduits en France, puis à la résistance et à la lutte armée, jusqu’à l’arrestation du groupe dans des circonstances « amères » et liées selon des historiens au Parti communiste français (PCF). Le 4 août 2018, Arsène Tchakarian est décédé à l’âge de 101 ans à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif. Il était le dernier survivant du groupe Missak Manouchian.