Rencontre avec Djima Kettane, Présidente de BEURFM

Depuis plus de trente ans, Beur FM occupe une place singulière dans le paysage radiophonique français. Née dans la dynamique des radios libres et portée par la volonté de donner une voix aux enfants de l’immigration maghrébine, la station a su évoluer tout en restant fidèle à son héritage. Aujourd’hui présidé par Djima Kettane, elle revendique pleinement son nom, son histoire et sa vocation : être une radio de dialogue, d’ouverture et de représentation dans une France plurielle.

Dans cet entretien, Djima Kettane revient sur l’identité de Beur FM, sa ligne éditoriale, son positionnement dans le secteur audiovisuel, ses modèles économiques et ses ambitions pour 2026.

Pierre Henry : Vous êtes à la tête de Beur FM depuis plus d’une décennie. Assumez-vous toujours le nom de la radio qui date des années 80 ?

Djima Kettane : Oui — j’assume pleinement le nom BEURFM, dont je suis aujourd’hui la présidente. Ce nom fait partie de l’histoire de la station; BEURFM est née en 1992 dans la continuité du mouvement des radios libres et sous l’impulsion de pionniers qui voulaient donner une voix aux enfants de l’immigration maghrébine. Le terme « Beur » reflétait alors l’identité d’une génération, son énergie, son rapport à la France et à ses origines.

Mais ce nom n’est pas resté figé.Beur FM à pleinement évolué : la radio s’adresse aujourd’hui à une audience beaucoup plus large, plurielle, intergénérationnelle.

Notre ligne éditoriale repose sur le dialogue, l’ouverture, la culture et la proximité avec tous les auditeurs qui se reconnaissent dans une France diverse.

C’est pour cela que nous continuons d’assumer cette appellation : elle représente une identité forte, un héritage assumé, mais surtout une radio tourné vers l’avenir en mouvement, moderne et connectée.

Pierre Henry : Quel est la cible de la radio ? Que répondez-vous à ceux qui vous reproche d’être à la tête d’une radio communautaire ?

Djima Kettane : Notre audience est essentiellement constituée de personnes d’origine maghrébine, mais pas exclusivement. Nous diffusons en français la majorité du temps, avec aussi des émissions en arabe et en berbère.

Nous visons notamment les 25-49 ans (sur certaines vagues d’audience nous avons constaté que cette tranche représentait plus de 70 % de l’auditoire).

Au-delà de l’origine culturelle, c’est aussi une radio de proximité, de culture, d’ouverture et d’échange — pour tous ceux qui se sentent concernés par les parcours migratoires, les identités multiples, l’interculturalité.

Je rappelle aussi qu’une radio dite « communautaire » serait une radio qui se referme sur elle-même et ne s’adresse qu’à un groupe précis.
BEURFM fait exactement l’inverse. Nous mettons en avant la diversité, le dialogue, le vivre-ensemble. Nous représentons des voix souvent oubliées dans les médias traditionnels, mais toujours dans un cadre républicain, laïque et inclusif.

Enfin, je réponds souvent ceci : si donner la parole à ceux qui en manquent fait de nous une radio communautaire, alors oui, nous assumons de donner cette place — mais nous le faisons pour enrichir l’espace public, pas pour le diviser.

Pierre Henry : Comment la radio se positionne-t-elle dans le panorama des radios thématiques (mesures d’audience)

Djima Kettane : Selon les chiffres récents de l’ACPM (octobre 2025), Beur FM affiche : 243 106 « écoutes actives France », durée d’écoute totale 100 528 heures, durée moyenne ~24 minutes 49 secondes.

Il s’agit donc d’une radio thématique nationale (catégorie D) classée parmi les radios à vocation nationale à thème.

Dans le panorama des radios thématiques, cette audience et cette croissance montrent que nous avons un positionnement pertinent : une niche bien définie, mais un public fidèle et engagé.

Nous visons non pas la masse d’une station généraliste grand public, mais une audience segmentée et qualitative, ce qui permet un bon compromis entre valeur de marque, spécialisation et retour pour les annonceurs.

Pierre Henry : D’où provienne vos recettes ?

Djima Kettane : Nos recettes principales sont publicitaires. la régie publicitaire de Beur FM est commercialisée par nos soins, nous sommes aussi adhérent des Indés Radio

Il peut aussi y avoir des partenariats, des sponsoring d’émissions, des partenariats numériques ou événementiels, compte tenu de notre présence forte sur les réseaux sociaux et le digital.

Bien sûr, comme pour toutes les radios, les recettes peuvent dépendre de la conjoncture publicitaire, du mix média, du digital et de la fidélisation d’audience.

Question : Avez-vous des projets de développement pour la radio pour 2026 ? Quels sont-ils ?

Djima Kettane : Accroître la présence numérique et mobile : intensifier notre diffusion via le streaming, l’application mobile, les podcasts, et renforcer notre engagement sur les réseaux sociaux. Nous constatons déjà que notre page Facebook est très dynamique (plus de 600 000 fans selon certains rapports) : ce canal doit être encore mieux exploité.

Événements et partenariats : organiser ou s’associer à des événements (festivals, forums, actions culturelles) afin de renforcer le lien avec la communauté et de générer des revenus supplémentaires (sponsoring, réseau).

Renforcement de la marque et international : valoriser l’identité de la radio comme « radio des croisements culturels », explorer éventuellement des partenariats avec des médias maghrébins ou diasporiques, étendre l’international (ex. streaming à l’étranger).

Renforcement de l’impact social et culturel : proposer davantage de programmes d’information, de débats, de culture, de jeunesse et de promotion de l’égalité des chances, afin de faire de Beur FM un acteur de référence.