Mory Sacko vient de remporter sa première étoile au Guide Michelin et partage avec Coline Faulquier, ex-candidate de « Top Chef », le prix de « Jeune Chef » de 2021. De nombreux articles lui sont consacrés mais pour en savoir plus sur on parcours, il faut plutôt se tourner sur des articles écrits avant sa dernière récompense. Comme cet entretien enregistré par France Culture avant l’annonce sa première étoile habilement titré « Mory Sacko, étoile montante »
Portrait du jeune et talentueux chef Mory Sacko, qui n’a pas hésité à ouvrir en septembre dernier son premier restaurant “Mosuke” dans le XIVe arrdt de Paris, où l’ancien candidat de Top Chef propose une cuisine ouverte et inventive, aux influences africaines, japonaises et françaises.
article et entretien par Caroline Broué publié sur le site franceculture.fr, le 18 01 2021
On ne parle que de lui dans le Landerneau de la cuisine depuis son passage à Top chef en 2020 où il a été remarqué et où il a gagné un fort capital sympathie, jusqu’à la distinction en ce tout début d’année 2021 par le meilleur classement gastronomique international qui l’a nommé parmi les cinq chefs les plus prometteurs de la planète, en passant par la classification de « jeune talent 2020 » par le Gault et Millau. Il était donc temps pour nous de le recevoir aux Bonnes choses alors même que son restaurant, MoSuke, ouvert le 1er septembre 2020, a dû refermer ses portes deux mois plus tard. Mais le jour où la Liste l’élisait parmi les cinq nouveaux talents mondiaux, le Premier ministre Jean Castex annonçait un couvre-feu généralisé à 18h : qui prend le dessus, le sourire ou la tristesse ?
« Je parle pour mon cas, mais je pense que la cuisine est peut être un des cercles où l’on peut prétendre à une ascension sociale, où moi, fils d’ouvrier, j’ai pu accéder à un poste de cadre à 25 ans, et à une ascension professionnelle. Dans la cuisine, on peut monter très vite : le seul juge de paix, c’est la compétence.
« Je fais une cuisine plurielle, mais pas une cuisine fusion. La cuisine fusion force les mariages. La cuisine plurielle est pour moi celle qui peut pencher librement du côté du Japon, de l’Afrique de l’Ouest ou australe, ou bien du côté complètement français. On ne force aucune mariage : les influences ne s’imposent pas mais elle s’assemblent, naturellement, et dialoguent entre elles. »
« Le héron est mon animal totem, parce que c’est le seul animal que l’on retrouve sur les trois continents. Sur chacun d’entre eux, il a une place particulière dans la culture, que ce soit en Afrique, au Japon ou en France. Et nous avons tendance à dire qu’un client dans notre restaurant vit un peu comme ce héron, qui migrerait de l’Afrique à la France ou au Japon, et qui se nourrirait sur chaque territoire de ce qu’il y trouve. »
« Avant le concours, il avait suivi un parcours irréprochable et raccord avec ses rêves de palace. Une fois diplômé d’un BEP et d’un bac pro cuisine en région parisienne, où il a grandi avec ses neuf frères et sœurs, il est passé par le Royal Monceau, l’hôtel du Collectionneur, le Shangri-La et enfin le Mandarin oriental où il a débuté demi-chef de partie, et a fini au sommet en tant que second à 25 ans.
Les chefs qui l’ont formé ne tarissent pas d’éloges à son égard, louent son professionnalisme mais aussi sa gentillesse, une qualité finalement assez peu commune dans le milieu concurrentiel de la cuisine.
« Il se remettait toujours en question, ne se plaignait jamais, réglait les problèmes. Il était très attachant et m’a donné envie de lui montrer beaucoup de choses », se souvient le chef Hans Zahner qui l’a embauché au Royal Monceau. Avec lui, Mory Sacko a connu le déclic qui « transforme un métier en passion ». « C’est vraiment un bon môme, confirme Thierry Marx, chef du Mandarin oriental, très porté sur la cuisine japonaise. Il possède une force de travail énorme, un vrai style de cuisine, et a tout le temps le sourire. »
Mory Sacko s’est installé à l’écart de la hype, dans une petite auberge d’un quartier très résidentiel (le 14e arrondissement), ce qui est plutôt habile en ces temps de Covid-19 où il n’y a plus que des Parisiens à Paris. Il habite avec sa compagne au-dessus de son restaurant qu’il a peint tout en blanc pour « ne pas trop charger la déco », sa cuisine étant déjà « assez spé comme ça ». Il rêve d’obtenir une étoile d’ici à deux ans, « et puis un jour, en avoir une seconde, être classé parmi les 50 Best Restaurants… Pas premier, hein, peut-être quarantième ». Une ambition raisonnable chez un jeune chef à la créativité débridée : ça change des grandes gueules qui ont toutes les mêmes idées.