Ce jeu de plateau dévoile, par l’absurde, les mécanismes qui se cachent derrière les théories du complot.
article par David-Julien Rahmil publié sur le site ladn.eu le 31 01 2020
Dans la bande dessinée culte de Fabcaro, Zaï Zaï Zaï Zaï, un pilier de comptoir complotiste se livre à son exercice préféré : partir d’un mot banal et faire des associations d’idées pour arriver à un complot juif.
Cette démonstration par l’absurde du fonctionnement du complotisme a justement donné naissance à Crazy Theory, un jeu de plateau imaginé par Christian Rubiella et Fabrice Andrivon (et illustré par Fabcaro). Son principe reprend exactement celui de la bande dessinée.
Toi aussi, crée ton complot
La carte de départ donne une situation principale comme par exemple « les files d’attente aux caisses de supermarché qui avancent plus vite que la vôtre » ou bien le fait que « la plupart des statues antiques ont le nez cassé ». Deux autres cartes coupables sont alors désignées. C’est la faute des « incalculables programmateurs de GPS », la « sombre confrérie des Ch’tis » ou bien la « loge discrète des éleveurs d’huîtres ».
Le but du jeu est d’aller de la situation de départ à la désignation des coupables en passant par des complices obligatoires comme « le Père Noël », « un Gilet jaune », « le chef Paul Bocuse » ou « une clé de 12 ». À vous de relier tous ces éléments en faisait des associations d’idées, un mot après l’autre.
Testé par nos soins, le jeu se révèle délicieusement drôle et laisse beaucoup de liberté dans les différentes associations. Aucun joueur n’a le même cheminement de pensée et il est possible de faire des jeux de mots ou des homophonies pour arriver à ses fins.
Se moquer de nos biais
Le plus compliqué reste cependant de se lancer dans cette association sans avoir de plan prévu à l’avance. En effet, Crazy Theory oblige les joueurs à improviser, à faire des associations d’idées comme elles viennent et tenter de se raccrocher aux branches. » Ça peut paraître difficile aux premiers abords, mais en fait notre cerveau est fait de telle manière qu’il excelle dans cet exercice, explique Christian Rubiella. C’est aussi pour ça que l’on ne peut pas s’empêcher de faire des théories complotistes »
Le jeu permet effectivement de mettre en lumière un processus cognitif peu connu intitulé « perception de configuration illusoire ». Ce mécanisme automatique fait que notre cerveau tend à assimiler des informations en percevant des liens de causalité et des relations entre différents éléments ou événements qui sont pourtant indépendants.
Vendu à plus de 4 000 exemplaires, le jeu aurait trouvé un franc succès notamment parmi les professeurs de collège. « C’est un moyen fun d’apprendre aux adolescents qu’il est possible de faire très facilement des liens entre des concepts et des idées sans que ces derniers puissent avoir de lien entre eux, indique l’auteur du jeu. » Avec un peu de chance, Crazy Theory a de quoi donner des armes intellectuelles face aux vidéos complotistes qui pullulent sur YouTube.
Comment le jeu est-il né ? Les explications de Christophe Rubiella, l’un des deux créateurs