Les réfugiés retrouvent leur savoir-faire artisanal grâce à la Fabrique nomade

Depuis 2016, l’association La Fabrique nomade permet aux réfugiés et migrants de valoriser leurs compétences et de renouer avec leur métier d’artisan, afin d’en vivre à nouveau
article signé Anne-Laure Bovéron pour le Pélerin magazine republié sur le site lacroix.com, le 10 06 2019

« Je pensais que le métier de menuisier n’existait pas en France. Ça me rendait triste. Quand mon assistante sociale m’a parlé de l’association, j’ai compris que je pourrais retravailler le bois », confie Jaffar, 24 ans, en caressant le couvercle de la boîte qu’il vient d’assembler. Originaire d’Afghanistan, Jaffar fait partie de la session 2019 du programme d’insertion professionnelle de La Fabrique nomade (1).

Pendant qu’il besogne au sous-sol, entouré de scies, ciseaux et rabots, Ali s’active à l’étage sur son métier à tisser. Anna Karina, Denis et Ghazaleh, assis autour d’un établi circulaire, forment bagues et colliers. Les créations naissent dans le calme, tandis que de timides rayons de soleil pénètrent par la baie vitrée de la boutique-atelier, ouverte au public, près de la Bastille, à Paris.

« Remettre l’artisanat au cœur de leur projet de vie »
C’est dans cette ambiance détendue et studieuse que Ghaïta Tauche-Luthi, responsable de la communication, rappelle les enjeux de l’association. « L’idée est de leur permettre de reprendre contact avec leur artisanat, de le remettre au cœur de leur projet de vie. Ce secteur demeure complexe, mais si l’aventure pour décrocher un emploi stable se joue sur le long terme, c’est complètement possible. »

La preuve, tous les artisans de la première session, en 2017, ont trouvé un emploi. En contrepartie du soutien de La Fabrique nomade, réfugiés et migrants s’engagent à être au rendez-vous, du lundi au mercredi, neuf mois durant, à suivre des cours de français, à apprendre le champ lexical de leur branche, à ne jamais se départir d’une posture professionnelle…

L’exil conduit souvent à abandonner sa profession. Denis, 30 ans, réfugié politique russe depuis deux ans, relève ses lunettes pour raconter sa peine à décrocher un travail sur le sol français. Alors de là à s’imaginer de nouveau bijoutier… « Ce programme est une chance. L’association prête du matériel, je peux montrer ce que je sais faire », sourit-il.

Un enthousiasme partagé par Ghazaleh. L’Iranienne de 42 ans n’avait plus créé de bijoux depuis près de quinze ans. « Je ne savais pas par où commencer. J’ignorais le nom des outils, où me procurer les matières premières. » Au hasard d’une lecture, cette mère de famille installée en France depuis 2005 découvre l’association et la contacte. « Ici, j’ai repris confiance en moi en réalisant que j’avais conservé mes savoir-faire. Et au contact des autres bijoutiers, je découvre de nouvelles techniques. »

Dépasser les obstacles techniques et administratifs
La complexité administrative française représente souvent un autre frein à la reprise de l’activité artisanale sur la terre d’accueil. Elle a barré la route d’Anna Karina, 52 ans, arrivée en 2017 du Venezuela. « Les lois étaient trop compliquées. J’avais abandonné mon projet de reprendre ici mon activité, jusqu’à mon entrée à La Fabrique nomade », se réjouit-elle en posant délicatement le collier en laiton qu’elle réalise.

Parce que les aspects administratifs demeurent souvent opaques pour bien des réfugiés, La Fabrique nomade les accompagne sur ces questions et œuvre à leur réinsertion professionnelle. Et un designer bénévole accompagne chaque artisan durant deux mois pour aller encore plus loin, permettre la vente de leurs créations et faciliter leur quotidien en entreprise. Le but étant de leur enseigner les goûts français et de développer leur potentiel.

Tout en enchaînant des dizaines de nœuds, Ali, lissier afghan de 30 ans, se dit très impatient de rencontrer celui qui va l’épauler. Ghaïta précise la nature de la collaboration avec le designer : « Ensemble, ils pensent des objets, puis les artisans les réalisent seuls. Après cette cocréation, on constate qu’ils ne voient plus les essais comme une perte de temps. »

Au cours de l’année, les artisans étrangers enseigneront à leur tour leurs techniques dans des ateliers ouverts au public et aux entreprises. Une façon de partager l’art de l’artisanat et un peu de leur culture.

Les recettes du succès
Des objets pour carte de visite

Rares sont les exilés à pouvoir montrer leurs créations. En produisant des objets, ils peuvent, plus que par les mots, démontrer l’étendue de leur savoir-faire. La collection Traits d’union fait office de CV.

Une formation complète

Désormais, durant six mois, les artisans réaffirment leurs techniques, puis pendant trois mois, sont suivis pour leur réinsertion professionnelle.

Un accompagnement sur mesure

Les artisans travaillent en binôme avec un designer bénévole pour saisir les goûts français, gagner en compétences. Le but étant de vendre leur production autant que de mieux répondre aux besoins des entreprises.

la Fabrique nomade organise par ailleurs des ateliers entreprises

Ces ateliers permettent d’initier des stagiares à un savoir-faire avec un artisan d’art réfugié lors d’un atelier de pratique artisanale. les “stagiaires” repartent avec un objet porteur de sens qu’ils auront créé. Une expérience unique et solidaire à découvrir au 1 bis avenue Daumesnil !

 

 

Découvrez nos ateliers entreprises : https://lafabriquenomade.com/nos-ateliers-entreprises/Initiez-vous à un savoir-faire avec un artisan d’art réfugié lors d’un atelier de pratique artisanale, et repartez avec un objet porteur de sens que vous aurez créé. Une expérience unique et solidaire à découvrir au 1 bis avenue Daumesnil !

Publiée par La fabrique Nomade sur Lundi 6 mai 2019

 

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