Cédric Herrou avait été condamné par la cour d’appel d’Aix-en-Provence à quatre mois de prison avec sursis pour avoir porté assistance à des migrants.
article publié sur le site lepoint.fr, le 13 12 2018
La Cour de cassation a donné raison à Cédric Herrou. La plus haute juridiction française a annulé mercredi la condamnation de cette figure emblématique de l’aide aux migrants et d’un autre militant de la vallée de la Roya. Tous les deux avaient été condamnés en appel pour avoir porté assistance à des migrants. C’est la première décision de ce genre rendue depuis la consécration du principe de fraternité dans la loi française.
Les deux militants ont été renvoyés devant la cour d’appel de Lyon pour qu’ils y soient à nouveau jugés. « C’est une grande victoire », s’est félicité leur avocat, Patrice Spinosi, saluant la reconnaissance d’une « exception humanitaire qui doit conduire à la relaxe » des deux hommes.
Militantisme désintéressé
L’agriculteur Cédric Herrou, devenu une figure de l’aide aux migrants, avait été condamné en août 2017 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence à quatre mois de prison avec sursis pour avoir « facilité la circulation et le séjour » de migrants, ainsi que pour les avoir aidés à passer la frontière franco-italienne. La même cour avait condamné en septembre 2017 le chercheur Pierre-Alain Mannoni à deux mois de prison avec sursis pour avoir aidé et transporté trois migrantes érythréennes. La cour d’appel l’avait reconnu coupable d’avoir « facilité la circulation et le séjour » des migrantes. La cour d’appel d’Aix avait estimé que le militantisme désintéressé des deux hommes ne suffisait pas à leur faire bénéficier de l’immunité pénale qui était prévue dans certaines circonstances par la loi.
Convaincus du contraire, ils avaient déposé un recours devant le Conseil constitutionnel et obtenu des « sages » la consécration du « principe de fraternité » duquel découle « la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ». Concrètement, le Conseil constitutionnel a décidé de sortir du champ des poursuites possibles toute aide humanitaire au « séjour » comme à la « circulation » des migrants. En revanche, « l’aide à l’entrée irrégulière » reste illégale.
Le nouvel article de loi appliqué
Concrètement, le Conseil constitutionnel a décidé de sortir du champ des poursuites possibles toute aide humanitaire au « séjour » et à la « circulation » des migrants. En revanche, « l’aide à l’entrée irrégulière » reste illégale. Selon l’article – modifié à la suite de cette décision – de la loi asile-immigration du 10 septembre 2018, l’aide à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger ne peut entraîner des poursuites pénales lorsqu’elle « n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et a consisté à fournir des conseils ou accompagnements juridiques, linguistiques ou sociaux, ou toute autre aide apportée dans un but exclusivement humanitaire ».
C’est sur cette nouvelle loi que s’appuie la Cour de cassation pour annuler les condamnations des deux hommes. Et, alors que l’avocat général avait préconisé une cassation partielle, excluant l’« aide à l’entrée irrégulière » qui concernait le seul Cédric Herrou, la Cour a choisi de « tout remettre à plat », s’est réjoui Me Spinosi. Seule demeure pour l’agriculteur sa condamnation à 1 000 euros de dommages et intérêts par la cour d’appel d’Aix pour occupation illicite d’un local SNCF désaffecté, où il avait abrité une cinquantaine d’Érythréens. « Il reviendra à la cour d’appel de Lyon de constater que les motivations de Cédric Herrou sont purement humanitaires », qu’il héberge des migrants ou les aide à franchir une frontière, a résumé Me Spinosi.
« À partir du moment où vous aidez une personne en situation irrégulière et que vous n’en tirez aucune contrepartie, vous ne risquez rien », avait plaidé l’avocat. Pour lui, c’est cet esprit de fraternité, devise devenue un des grands principes du droit français, qui doit être désormais traduit par les décisions à venir des cours et tribunaux français.