Villiers-le-Bel : quand les hommes font campagne contre les violences faites aux femmes

Une campagne d’affiche contre les violences faites aux femmes vient d’être lancée sur tous les supports de la ville. La municipalité du Val-d’Oise a choisi de mettre les hommes en avant sur les cinq affiches.

Article de Victor Tassel publié sur les site leparisien.fr, le 3 10 2019

Thierry, 64 ans, s’arrête net devant l’affiche en noir et blanc. Dessus, la photo d’un jeune homme et une phrase, en jaune : « Mon père ne frappait que ma mère, mais il nous a tout démolis ». « C’est bouleversant et très dérangeant, confie le retraité. J’imagine que c’est volontaire. Espérons que cela soit utile pour changer les choses ! »

La ville de Villiers-le-Bel (Val-d’Oise) vient de relancer une campagne choc contre les violences faites aux femmes. « Nous travaillons sur ce sujet depuis longtemps. Il y a une vraie problématique dans la ville. Dans certaines communautés, frapper sa femme est une chose banale. En tant que mairie, nous avons un rôle à jouer de sensibilisation », souligne le maire (DVG) Jean-Louis Marsac.

Une première opération avait été réalisée en mars 2018, avec des femmes, marquées par des coups. Cette fois, ce sont des photos d’hommes qui sont placardées dans toute la ville. Un parti pris, pour « interpeller les premiers concernés ». « Il est très rare que les hommes soient mis en avant de la sorte. C’est une excellente initiative, salue Michèle Loup, président de l’association « Du côté des femmes ». Trop souvent, les hommes ne se sentent pas concernés parce que cela touche les femmes. Cette fois, ils peuvent s’identifier! »

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Sur les cinq affiches, est inscrite une phrase : « Frapper ta femme ne fera pas de toi un bonhomme », « 130 femmes tuées chaque année par leur conjoint. Je pense à ma fille ! », « Ta journée t’a énervée ? Ce n’est pas ta femme qui doit le payer ! », « Le jour où j’ai levé la main ? J’ai perdu tous ceux que j’aimais ! », « Mon père ne frappait que ma mère, mais il nous a tout démolis ».

Villiers-le-Bel : quand les hommes font campagne contre les violences faites aux femmes
Villiers-le-Bel : quand les hommes font campagne contre les violences faites aux femmes
Villiers-le-Bel : quand les hommes font campagne contre les violences faites aux femmes
Villiers-le-Bel : quand les hommes font campagne contre les violences faites aux femmes

Les modèles ne sont pas des habitants de Villiers-le-Bel, mais vivent « dans le secteur ». De même, les citations et histoires écrites sur les affiches sont fictives. « Nous ne voulions pas qu’il puisse y avoir de représailles envers eux. C’est un sujet sensible, et tout le monde n’a pas le même avis, indique le Jean-Louis Marsac. Et il ne fallait pas mettre en difficulté ceux qui ont accepté de prêter leur image pour la campagne. »

Gabriel, 26 ans, fait partie de ceux-là. Il apparaît, sous le nom de Kévin, sur l’affiche qui relate que son père frappait sa mère. Le jeune musicien a dit oui « immédiatement ». « Je voulais aider à porter le message, surtout auprès de ma génération. Nous avons tous un rôle à jouer pour éradiquer ce fléau, argue-t-il. D’autant que je suis proche du monde associatif et j’entends beaucoup parler autour de moi d’affaires de violences qui me révoltent. »

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Surveillant dans un lycée, il a été reconnu par plusieurs élèves. Gabriel en profite pour sensibiliser les adolescents. « Souvent, ils n’avaient pas lu le message, donc j’en remets une couche, sourit-il. Ils sont plutôt réceptifs et ont l’air conscient du problème. »

Damien, professeur d’électronique dans un lycée professionnel d’Enghien, apparaît sur une affiche, avec sa petite fille sur le dos. « Et pour le coup, la citation, j’aurais pu la dire moi ! Je m’inquiète énormément pour ma petite, par peur qu’elle tombe, plus tard, dans les bras d’un mauvais garçon, souffle-t-il. Des élèves m’ont reconnu, je n’aborde pas le sujet. C’est un peu tabou. »

Damien a choisi de s’afficher avec son propre prénom. « Je ne me suis même pas posé la question. Je trouvais le concept de la campagne pertinent, originale et utile, confie l’enseignant. Je voulais montrer que tous les hommes ne tapent pas leur femme, mais que nous sommes tous concernés. »

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Cette responsable de l’association « Dialogue de femmes » – qui souhaite rester anonyme – « s’efforce » de faire passer le même message depuis « des années ». « C’est un sacerdoce ! Certaines communautés de Villiers-le-Bel sont plus sensibles que d’autres », analyse-t-elle.

L’association a reçu, en l’espace d’un an, 45 femmes victimes de violences. « Il y a tous les âges, toutes les communautés, toutes les catégories sociales. Il ne faut pas cibler telle ou telle population, cela touche tout le monde, appuie-t-elle. La campagne, c’est utile. Mais le travail est encore long et difficile. »