#Ukraine #Africains Abdelaziz Moundé Njimbam, »passeur » dans l’âme

« Le 25 février , on a vu la vidéo virale des comportements « limite » des gardes frontières polonais face aux Africains qui tentaient de fuir la guerre en Ukraine. Il fallait faire quelque chose. Dès le soir même j’ai joint des associations africaines que je connaissais en Allemagne et en Pologne… »

Journaliste indépendant à l’origine, Abdelaziz Moundé Njimbam est un « passeur » dans l’âme. L’information, la formation, la coopération économique, les échanges culturels, la solidarité, AMN a élargi sa gamme au fil du temps. C’est donc naturellement qu’il est venu à créer avec un ami la Maison des Camerounais de France installée dans le 18 è arrondissement de Paris et de développer aussitôt des partenariats avec d’autres associations africaines comme « Phénix Action Solidaire et « Afrique, 6ème région »

France Fraternités : Quelle était votre idée première ?

Abdelaziz Moundé Njimbam :  L’idée était de trouver des bus pour se rendre aux frontières de l’Ukraine. Suite à nos appels sur les réseaux, j’ai pu joindre, Géraud Potago, un compatriote camerounais installé en Allemagne et  Issa Diallo, un Guinéen basé en Pologne. Ils ont vite trouvé 6 bus, puis 10. Soit 500 places disponibles. Nous avons envoyé des correspondants en Pologne, en Hongrie, en Slovaquie, en Moldavie et et Roumanie. On a créé un groupe Whats app que nous avons diffusé sur nos sites et dans nos réseaux.  Le bouche à oreille a fonctionné. Les correspondants ont pu établir des listes, nous avons envoyé les bus le 28 février

Combien de personnes avez-vous pu recenser?
On a listé 6552 « réfugiés » africains.  La grande majorité était détenteur de cartes de séjour temporaire. Mais il y avait la question de ceux qui étaient restés coincés dans le Donbass et dans le sud. Un des premiers qui est venu à nous avait le téléphone d’un camerounais bloqué à Kherson avec une trentaine d’autres africains. Nous avons trouvé des chauffeurs prêts à aller les chercher pour 200$ par personne. Après négociation, nous avons obtenu des passages à 100 $ par personne. Ils sont tous sortis. Cela a été plus difficile dans le Donbass, il a fallu parfois des semaines pour réussir à trouver des chemins détournés. Mais on a réussi à en récupérer plus de 500.

 Comment avez-vous financé vos opérations ?
Nous avons fait des appels à participation via PayPal. Pour les bus nous avons eu le soutien  de la compagnie de transports internationaux FlixBus

Que sont devenus ceux que vous avez recensés ?
Beaucoup ont tenté leur chance dans les pays de l’est où il pouvait retrouver des formations proches de celles de lraine ou ont choisi l’Allemagne quitte à apprendre la langue, la Hollande, etc.. 1186 ont choisi la France dont 480 étudiants.

Après le départ, il a fallu gérer l’arrivée dans tous ces pays…
 On a vite constaté que la directive européenne sur protection temporaire pour les personnes fuyant la guerre n’était pas vraiment universelle. Pas mal de pays ont fait un tri entre réfugié Ukrainiens et « internationaux.».

Particulièrement en France… Pierre Henry, président de France Fraternités a ainsi interpellé le gouvernement sur le sujet et a décidé de créer le 21 avril   une permanence juridique pour aider les étudiants francophones …
Oui c’est d’ailleurs quand nous avons découvert votre initiative que nous avons pris contact avec vous et que nous avons croisé nos dossiers. Il faut dire que la longue séquence électorale n’a pas aidé. Il y avait beaucoup de débats sur l’immigration et la thématique de « l’appel d’air » portée par certains candidats a rendu les autorités et les préfectures plus que tatillonnes. Les dossiers n’étaient jamais assez complets. Et les Obligations de Quitter le Territoire Français se sont multipliées. Même après le moratoire du mois de juin et la circulaire du 5 juillet sur l’inscription en université.
Nous avions travaillé avec le réseau des universités européennes puis en France avec des associations comme Université et réfugiés, Union des Exilés de France et le réseau « Migrants dans l’Enseignement Supérieur » (MEnS) et nous avions réussi à inscrire des étudiants. Mais encore fallait-il que les directives gouvernementales soient suivies d’effet avec la délivrance d’autorisations de séjour

Abdelaziz Moundé, responsable de la Maison des Camerounais de France veste rouge, chemise blanche explique comment ses équipes ont recueilli des donnés sur les réfugiés africains recueillies aux frontières Ukrainiennes

La situation s’est un peu détendue aujourd’hui. Vous étiez avec nous quand le préfet Zimet en charge de la cellule de crise sur l’accueil des réfugiés ukrainiens a accepté notre invitation au dialogue avec des étudiants dans nos locaux…
Oui et c’est la première fois que l’on a pu mettre de l’humain dans les dossiers, témoigner des traitements parfois contradictoires dans les préfectures et de la réception d’OQTF après le moratoire. Le préfet a été à l’écoute des étudiants et attentif aux données chiffrées que nous avions établis grâce à notre suivi depuis le premier jour. Des chiffres qu’il ne connaissait pas et qu’il a demandés.

Lire aussi : Ukraine Dialogue entre le préfet Joseph Zimet et des étudiants africains à France Fraternités

Sur les 480 étudiants africains que nous avions pris en charge arrivés en France, environ 200 sont partis rapidement en Espagne et au Portugal qui avait décrété l’accueil universel. En croisant les dossiers que nous avons traités à La maison des Camerounais et ceux de France fraternités, nous avons rajoutés quelques dizaines de cas et nous arrivons à un chiffre d’un peu plus de 320 étudiants concernés *.  Mais nous avons perdu le contact avec certains. Il faut comprendre que la guerre et la fuite d’Ukraine ont traumatisé certains et que la longue période de difficultés « administratives » a pu en décourager quelques-uns. Certains sont même retournés en Ukraine notamment pour essayer de récupérer des documents orignaux exigés ici ou ailleurs ou pour retrouver leur femme et/ou leurs enfants.

Vous restez mobilisé ?
Nous avons été constant dans notre assistance aux réfugiés et particulièrement en direction des étudiants dans toute cette crise, ce n’est pas aujourd’hui que nous allons baisser les bras

PM

* Que pèsent en effet quelques dizaines d’étudiants face aux dizaines de milliers de réfugiés Ukrainiens ? On a souvent entendu le chiffre de 100 000 ukrainiens.  Selon les données, le site interieur.gouv indique qu’« En France, ce sont près de 63 404 déplacés qui ont été recensés à l’entrée du territoire national par la police aux frontières (PAF) entre le 24 février et le 22 septembre 2022, dont 98% de ressortissants ukrainiens. ». La différence entre les 2 chiffres s’expliquerait par le fait que les enfants ne sont pas répertoriés dans la catégorie déplacés…

  • Maison des Camerounais de France  :  61 rue Truffaut, 75012 Paris
  • Contact :  +33 7 51 04 90 61  , +33 7 67 87 91 74  contact@mcf-cfc.fr