Culture

  • Petit précis de la fraternité
  • La fraternité… Qu’en disent au juste nos dictionnaires ? Si, pour le Larousse la fraternité relève d’abord du « lien de parenté entre frères et sœurs », le Robert s’étend davantage sur « le lien existant entre les hommes considérés comme membres de la famille humaine ».
  • De la famille au sens littéral à l’humanité dans son ensemble, le sens de la fraternité n’a cessé d’évoluer au fil de l’histoire.
  • Jusqu’à l’aube des Lumières, seuls les membres des communautés religieuses et des premières loges maçonniques se désignaient en tant que frères et sœurs.
  • C’est dans son  « Essai sur les mœurs et l’esprit des nations », œuvre fondatrice de l’esprit des Lumières publiée en 1756, que Voltaire associera le premier liberté et fraternité : « Les états sont égaux et les hommes sont frères ». Le même Voltaire écrira dans son « Traité sur la tolérance » (1763) : « Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères», affirmant ainsi la nécessité d’une fraternité universelle.  Rousseau aborde aussi la fraternité dans « Le contrat social », publié en 1762.  La fraternité exprimée par les Lumières se démarque radicalement de la charité chrétienne, cette dernière consistant à inciter le riche à donner au pauvre, mais sans remédier sur le fond à l’inégalité.
  • Si, dès 89, Mirabeau déclare « Nous commençons l’histoire des hommes, l’histoire des frères », la fraternité, dans les premiers temps de la révolution et de la république naissante, est d’abord une fraternité de revendication puis de combat face au risque des invasions des armées étrangères coalisées. Elle est d’ailleurs absente de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et n’apparait dans la constitution qu’en 1791.
  • La fraternité ne complétera la devise républicaine liberté et l’égalité que le 27 février 1848, sous la seconde république, sur une proposition du député Louis Blanc. Si la liberté et l’égalité se revendiquent en termes de droit, la fraternité fait appel à un registre davantage moral et humaniste, en phase avec les valeurs portées par la révolution de 1848.
  • Indéfectible défenseur des droits humains, Victor Hugo écrira en 1875, dans « Le droit et la loi » : « La formule républicaine a su admirablement ce qu’elle disait et ce qu’elle faisait; la gradation est irréprochable. Liberté, Égalité, Fraternité. Rien à ajouter, rien à retrancher. Ce sont là les trois marches du perron suprême. La liberté, c’est le droit, l’égalité, c’est le fait, la fraternité, c’est le devoir. Tout l’homme est là… Les heureux doivent avoir pour malheur les malheureux; l’égoïsme social est un commencement de sépulcre; voulons-nous vivre, mêlons nos cœurs, et soyons l’immense genre humain…Tout ce qui souffre accuse, tout ce qui pleure dans l’individu saigne dans la société, personne n’est tout seul, toutes les fibres vivantes travaillent ensemble et se confondent, les petits doivent être sacrés aux grands, et c’est du droit de tous les faibles que se compose le devoir de tous les forts. »
  • La première guerre mondiale voit ensuite naître de nouvelles formes de fraternité, au-delà des mouvements de soutien des civils aux soldats du front : il s’agit de la fraternisation de combattants français, allemands et anglais, choqués par la violence des combats et les pertes subies de part et d’autres, notamment à noël 1914. Cette fraternisation spontanée, qui se traduira par une trêve locale de quelques jours, sera rapidement annihilée par les états-majors respectifs.
  • Le 10 décembre 1948, les 58 états membres de l’assemblée générale de l’ONU adoptèrent La déclaration universelle des droits de l’homme. Ses rédacteurs, de nationalités diverses et parmi lesquels comptait René Cassin, tinrent à inscrire, dans l’article premier le caractère indispensable d’une solidarité universelle : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».
  • Aujourd’hui, la fraternité semble laisser le pas à la solidarité, pourtant plus restrictive, prenant ainsi le risque d’abandonner progressivement cette valeur, fondatrice de notre république en ce qu’elle a de meilleur, aux seuls religieux ou moralistes.

Ils ont aussi porté la fraternité….

L’égoïsme et la haine ont seuls une patrie ;
La Fraternité n’en a pas.
Poésies diverses, la Marseillaise de la paix

Alphonse de Lamartine    

Je dis qu’il n’est pas de paix armée, de paix sous l’oppression. De fraternité sans égalité. J’ai voulu tous les hommes frère.

Léopold Sédar Senghor

Il n’y a jamais trop de livres ! Il en faut, et encore, et toujours ! C’est par le livre, et non par l’épée, que l’humanité vaincra le mensonge et l’injustice, conquerra la paix finale de la fraternité entre les peuples.

Emile Zola

Une démocratie doit être une fraternité ; sinon, c’est une imposture.

Antoine de Saint-Exupéry